Dans cet article, faites connaissance avec Dre Charlotte Gilart de Keranflec’h enseignante et chercheuse au CHUV. Elle est également membre du conseil de fondation et membre du comité de la Fondation Homme et Nature.

Dre. Gilart de Keranflec’h, qui êtes-vous ?

Je suis une femme de 58 ans et maman d’un fils de 31 ans qui admire et respecte la nature et toute la création. Docteure en Sciences de la Vie et Docteure en Epistémologie, Histoire des Sciences et Philosophie, je suis enseignante-chercheuse à Hesav. Quand je ne travaille pas, je joue du violon.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Les jeunes adultes à qui j’enseigne sont ceux qui vont nous soigner demain. Je fais de mon mieux pour préparer la relève, pour un monde meilleur : en tant qu’enseignante, j’ai donc ma part de responsabilité sociale. Mon travail, c’est en quelque sorte un passage de relai.

J’aime être confrontée à la vision de mes étudiants : quand on est jeune, on a des idéaux et des valeurs très solides que la vie n’a pas encore émoussés.

« Les étudiants, c’est mon bain de jouvence. Enseigner, c’est une manière de ne pas devenir rigide dans sa pensée, car on fait face à de nombreuses questions. »

Dre Charlotte Gilart de Keranflec’h

J’aime aussi comprendre leurs craintes et leurs préoccupations. À mon avis, quand on a de l’expérience, on doit être généreux et la partager avec autrui. C’est ce que je fais quand je dispense mes cours. Ces soignants en devenir ont juste besoin d’être mis en confiance et de construire leur réseau. Il est important pour moi de leur transmettre cette responsabilité sociale et l’importance du partage, car on ne fait rien seul. Or, la cohésion est un facteur de réussite très important, tant dans le travail et que dans la recherche.

En tant que chercheuse, mon but est que mes recherches soient utiles tant aux patient·e·s, qu’aux professionnel·le·s de santé et qu’aux proches aidants. Il est important pour moi d’apporter des améliorations à toutes ces personnes au travers de la recherche clinique.

Quelles sont vos valeurs ?

Mes valeurs ont été forgées par mon engagement chrétien. L’une des valeurs les plus importantes pour moi est de reconnaitre la beauté de la création. Il faut accepter une chose : nous sommes juste des passagers sur Terre. Cette conscience que nous ne sommes pas éternels nous encourage à respecter cette Terre car elle n’est pas notre propriété : nous y sommes seulement invités.

De plus, j’aime le partage sous toutes formes possibles, y compris le partage par l’enseignement. J’essaie de rester humble face aux étudiants et de ne pas de me positionner de haut en me disant que je sais mieux que les étudiants. L’important est qu’ils aient les moyens de répondre de plus en plus eux-mêmes à leurs propres questions.

Reconnaitre les compétences des autres et les voir dans leurs qualités est primordial pour moi. La connexion à la nature favorise cet état d’esprit : quand on se balade en forêt, on voit le meilleur chez les gens. J’ai remarqué que les personnes sont plus authentiques lorsqu’elles sont en nature.

La solidarité est également l’une des valeurs qui me guident. En tant que soignante, je ne veux pas laisser de côté les personnes qui ont moins de chance.

Notre fondation a pour mission de renouer le lien à la nature. Parlez-nous de votre relation à la nature …

Le lien à la nature s’est forgé tôt dans ma vie, j’ai eu la chance d’être élevée dans des lieux où la nature était l’élément primordial, la mer en Bretagne, la forêt en Touraine. Grâce à la mer et à l’eau, cet élément incontrôlable, j’ai vite pris conscience que la nature est quelque chose qui nous dépasse. Elle n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle.

J’ai vécu dans une belle région, le Val de Loire, qui possède des grandes forêts. Petite, je grimpais haut dans les chênes pour contempler le monde. Le lien avec la forêt a été décisif pour moi. C’est mon espace de consolation, de protection et de réflexion. Si la forêt me procurait des émotions fortes et de la liberté, elle m’a aussi fait prendre conscience très tôt de la grande responsabilité que j’ai face à cette beauté qui est fragile.

Vous êtes à l’origine de la création de plusieurs jardins thérapeutiques : qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la mise en place de ces jardins ?

J’ai créé un jardin thérapeutique au Centre Hospitalier Universitaire Vaudoise (CHUV à Lausanne) pour deux raisons.

La première raison est scientifique : je m’intéresse aux effets de la nature sur la santé et ceux-ci sont de plus en plus solidement démontrés. Or, je trouvais que nos structures hospitalières n’étaient pas adaptées : il n’y avait pas de lieu de nature à disposition. Les patients ont besoin de ces lieux hors des murs de l’hôpital. Je voulais essayer d’offrir ces effets bénéfiques aux patients du CHUV.

Deuxièmement, le jardin est un lieu qui concentre des vertus symboliques et cela a été le cas tout au long de l’Histoire. Le jardin symbolise un espace de sécurité, d’abondance, de calme et de relations détendues. Pour moi, il était urgent de réintroduire ces aspects positifs. Un patient très malade ne peut pas se réunir avec toute sa famille et son chien dans une chambre d’hôpital. Or, ces relations avec les proches donnent des ressources aux malades face à la crise qu’ils subissent. Dans le jardin thérapeutique, cela est possible. C’est une bulle d’oxygène et de sécurité pour le patient, contrairement à l’environnement anxiogène que représente l’hôpital.

De plus, il a été démontré que les patients participent davantage à leur thérapie s’ils font de l’hortithérapie ou s’il peuvent faire leur physiothérapie dans un jardin prévu à cet effet. Sans compter qu’au contact de la nature, les performances physique et mentales des patients sont meilleures !

Je pense aussi aux professionnel·le·s de santé : les équipes bénéficient elles aussi de l’exposition au jardin et à la nature.

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