« Il n’y a rien de plus important au monde, et pour le monde, qu’un beau souvenir d’enfance.  

Fiodor Dostoïesvki 

Sylvain Tesson avait raison : certaines rencontres même furtives, nous marquent à vie. « Un livre peut changer une vie. Et dire qu’il n’y a aucune mise en garde d’inscrite sur la couverture! ». 

J’ai pris le livre de Louis Espinassous en pleine figure. Cet ouvrage visionnaire et toujours d’actualité, a bousculé et remis en question une grande partie de mes croyances et de ma pratique de passeuse de nature avec les enfants. Le lire, c’est se préparer à sauter les flaques et à se mouiller les pantalons… Prêt.e à embarquer dans les eaux mouvantes de l’éducation buissonnière ? 

Titre : Pour une éducation buissonnière – retrouver le rythme naturel de l’enfant  

Auteur : Louis Espinassous 

Éditions : Hesse 

Année de parution : 2019  

Espinassous propose un regard critique mais plein d’espoir sur le développement de « l’éducation-nature », pour que chaque minot puisse s’épanouir et devenir un être humain (au sens premier de l’humanité), se respectant soi-même, ses semblables et la nature. 

Dans ce livre, Louis Espinassous nous emmène au travers de sa propre expérience d’éducateur, de ses réflexions sur l’éducation et sur le changements des mentalités. 

Le dedans donne les bases de l’être, le dehors éduque au bonheur 

Pour Espinassous, c’est le dehors qui fait l’homme. « Dehors ! Ce dehors dans la nature, si plein, si riche, si nécessaire à l’épanouissement, l’expression, l’éducation et le bonheur. Menons-les dehors ces enfants, nos enfants. Qu’ils puissent vivre, vivre toutes les dimensions de leur corps, de leur sens, de leur esprit, courir, jouer, rire, construire, apprendre, connaitre, exploser et grandir ».  

Les moments passés dehors, dans la nature, à la campagne, seul ou entre copains, avec des cousins ou en camp, chez les scouts ou avec les grands-parents, sont, selon Espinassous, les véritables fondateurs de l’être, de la personnalité profonde, l’enthousiasme, la combattivité, l’obstination, la joie et le bonheur. « C’est dehors, dans le jardin, les prés et les bois, le bord de mer ou la montagne, dans ce contact plein avec le réel que l’enfant construit une part considérable de son rapport à son corps, à ses sens, à son intelligence, et de son rapport à la vie et aux autres. C’est ainsi qu’il développe au mieux la totalité de son être. »  

Planète clean et meilleur des mondes 

A force de vouloir tout normer, à force de surprotéger nos enfants, d’aseptiser et de désinfecter leur environnement leur offrir une hygiène alimentaire et corporelle parfaite, à force de les protéger contre tous les dangers présents dès le pas de porte passé, nous avons petit à petit supprimé tous les camps, les sorties en nature, les petites et grandes aventures dehors, les structures d’accueil un peu sauvages. Sécurité absolue, hygiène irréprochable, zéro-risque, réseau 4g obligatoire… La course à la planète clean et au meilleur des mondes, celui dans lequel il n’existe aucun danger et aucun microbe, tue lentement mais certainement les pratiques du dehors, les échappées belles. Elle tue le bonheur des enfants à vivre et à grandir dehors. 

Des curés verts pour les culottes courtes 

Espinassous exprime avec verve sa colère quand il s’agit d’aborder la question de la culpabilisation et de la responsabilisation des jeunes enfants à la crise écologique :  

Et aujourd’hui, que proposent les curés verts aux enfants en train de se construire : de sombrer, non seulement eux, mais toute l’humanité, les copains, les proches, les lointains, dans l’enfer absolu de la pollution, de disparaitre dans les flammes du réchauffement climatique et de la mort de la planète s’ils sont méchants avec elle ; c’est-à-dire, s’ils ne font pas ce qu’il faut, ne jettent pas leur papier aluminé dans la bonne poubelle, ne se douchent pas comme il faut, écrasent une limace, , arrachent une ortie, arrivent à l’école dans la voiture de maman, regardent la télé, etc. 

de porter non seulement leur propre faute, leur propre méchanceté envers la planète, mais également de porter toutes celles de leurs parents qui roulent en voiture à essence, qui ont un chauffage électrique ou qui ne trient même pas leur poubelles.

Espinassous nous invite à agir, à montrer l’exemple mais sans transférer sur nos enfants nos angoisses d’adultes et nos responsabilités. 

Militer pour une éducation à la nature  

Un des messages forts de ce livre et peut-être celui qui m’a le plus impacté, c’est le combat d’Espinassous contre l’éducation à l’environnement. En quelques années, nous sommes passés d’une éducation à la nature, ou les enfants allaient jouer dehors, vivre des aventures au grand air, à une éducation à l’environnement, qui se pratique dans les murs, en classe. L’animation nature s’est perdue dans l’éducation pour l’environnement et le développement durable. 

« Il y a trente ans, l’artiste et naturaliste Robert Hainard, nous mettait déjà en garde. Il y a 10 ans, François Terrasson proposait carrément le divorce entre la nature et l’environnement. Chacun présageait, à si juste titre, que la première allait être engloutie, digérée et recrachée par le concept du second. » 

Nous avons oublié d’emmener nos enfants le plus simplement du monde… dehors. Pour jouer, grandir, rire, tomber, courir, découvrir, ressentir, jouer en groupe, se mouiller, se salir. 

Ayant travaillé quelques années comme animatrice pédagogique pour des classes, j’ai souvent vu des enfants (en général provenant de lieux urbains) qui n’avaient pas du tout l’habitude d’être dehors. Attiré par tout ce qu’ils voyaient, ils n’arrivaient pas à être concentré sur les informations théoriques que je donnais. Ils n’avaient qu’une envie : jouer ! Jouer avec cette foret qu’ils découvraient avec un immense plaisir. A la fin de la sortie, je posais toujours la question suivante : qu’est-ce que vous avez le plus aimé aujourd’hui ? Outre le goûter ou le pic-nic, c’était souvent le jeu libre qui était relevé… 

Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis retrouvée coincée entre mon rôle d’animatrice devant remplie ce rôle et transmettre les connaissances que je devais transmettre et mon envie d’être là, simplement pour accompagner ces enfants lors de leurs découvertes, leur envie de liberté et leur apprentissage de la vie en communauté, mettant mes connaissances en arrière-plan, les offrant sur demande de l’enfant et pas par obligation contractuelle… 

Pour conclure  

Louis Espinassous offre une vision holistique de la nature, des bienfaits qu’elle offre aux enfants et aux adultes. Il présente les éléments (la terre, l’eau, l’air, le feu, le végétal, l’animal) comme des supports à l’apprentissage. Il adresse des conseils et des idées aux parents, aux grands-parents, aux enseignants et aux animateurs nature, aux directions de structures d’accueil, aux gouvernements et aux élus afin que la nature redevienne ce terreau fertile qui fait grandir les hommes et les rend humains, au sens le plus noble du terme. 

Parents – le dimanche et les vacances surtout -, enseignants, éducateurs, animateurs, formateurs : nous sommes tous où nous devrions être – pour les enfants mais tout autant pour les adolescents et les adultes, j’en ai les preuves – des fabricants de souvenirs d’enfance. 

Eclats de vie et de plénitude, bonheurs d’un jour ou d’un séjour que nous offrons à poignées et qui contribuent à bâtir des vies un peu plus riches, un peu plus ouvertes au bonheur, un peu plus attentives à l’humanité de chacun, et à l’Humanité de tous nos frères humains. Parents dehors, éducateurs dehors. Profession : distributeurs de petits tickets pour le grand voyage de la vie, fabricants de souvenirs d’enfance. 

Les plus : 

  • Axé plutôt pour les éducateurs nature, cet ouvrage demeure néanmoins une référence pour tous ceux et celles qui travaillent ou vivent avec des enfants. 
  • Tout le livre transpire le terrain et l’expérience, c’est une mine d’or pour aider les minots à devenir de vrais humains !  

Vous pouvez emprunter gratuitement ce livre ainsi que d’autres ouvrages de Louis Espinassous dans notre Bibliothèque Homme et Nature. Cette bibliothèque rassemble de nombreux ouvrages autour de la relation entre l’être humain et la nature. Elle se trouve à l’Avenue de Florimont 4 à Lausanne.

Qui est l’auteur de « Pour une éducation buissonnière » ?  

louis espinassous
Louis Espinassous

Louis Espinassous  est né en 1951. Homme aux multiples casquettes, il fût tour à tour éducateur, biologiste, ethnologue, conteur, essayiste, romancier et berger.  

Il anima des ateliers d’écriture pour développer l’expression libre des élèves. Parallèlement, il mena des actions d’enseignement et de formation auprès des milieux agricoles, de l’université, des animateurs bénévoles et professionnels et des enseignants. Il donna également des conférences. 

Pionnier dans le domaine de l’écologie et de l’éducation, ancien conseiller technique au Parc national des Pyrénées, ses ouvrages nous font revoir de fond en comble notre rapport à l’environnement. Louis Espinassous est connu, entre autres, pour ses livres jeunesse et ses ouvrages sur l’animation en nature. 

Aujourd’hui, il vit et travaille dans les Pyrénées, dans la vallée de l’Ossau.


Louis Espinassous a publié de nombreux ouvrages, dont notamment :  

Des albums et romans jeunesse 

  • Les Diamants de la grande ourse : deux oursons des Pyrénées 
    éditions de Faucompret (jeunesse), 1988 
  • Les Flammes de pierre 
    éditions de Faucompret, 1991 
  • La chute de Tête-Rouge 
    éditions de Faucompret, 1994 
  • Sauve-toi vite écureuil ! 
    éditions Milan, 2000 
  • Jean de l’Ours 
    éditions Milan, 2001, réédition en 2012 
  • Le garçon qui vivait dans un arbre 
    éditions Rageot, 2004 
  • Petit chien dans la nuit 
    éditions Milan, 1999 
  • Trompette et le monstre du lac 
    éditions de Faucompret, 2010 

Des contes 

  • Contes de terre du pays de Serres  
    écrits et ill. sous la dir. de Michel Cosem, Louis Espinassous et Michel Gertou,  
    Penne-d’Agenais Foyer de jeunes, 1996 
  • Mille ans de contes sur les sentiers 
    éditions Milan, 1998 
  • Contes et légendes de l’arbre 
    éditions Frison-Roche Belles-Lettres, 2003 
  • Contes et Légendes de Fleurs et de Feuilles 
    éditions Hesse, 13 novembre 2020 

Des documentaires ou des guides pratiques 

  • Le loup, l’ours, le pastou 
    éditions Milan, 1994 
  • Pistes, pour la découverte de la nature et de l’environnement 
    éditions Milan, 1996  
  • Construis ta cabane : 24 modèles à réaliser  
    (ill. Sébastien Chebret, Amandine Labarre), Toulouse, éditions Milan, 21 avril 2021