Dans cet article rédigé par Prof. Kurt Hostettmann, membre du Comité scientifique de la Fondation Homme et Nature et professeur de pharmacognosie (médicaments d’origine naturelle), vous découvrirez comment bien vous préparer à l’hiver grâce aux plantes.

L’arrière automne est une période propice pour contracter un rhume, de la toux ou un refroidissement qui peut conduire à la grippe. Les températures sont en général nettement plus basses et l’air froid est humide à cause des brouillards fréquents. Il faut donc s’habiller plus chaudement si on sort et surtout couvrir la tête avec un bonnet, une casquette ou un chapeau pour éviter d’attraper un rhume. Quelques plantes peuvent nous aider à passer un hiver plus agréable, sans les bobos typiques de cette saison.

Echinacée

L’échinacée

C’est une plante de la médecine traditionnelle des Indiens de l’Amérique du Nord. Les préparations à base de l’espèce Echinacea purpurea (L.) Moench. (Asteraceae) jouissent maintenant d’une grande popularité en Europe. Cette plante médicinale importante a cependant une courte histoire puisque les premières références à ses vertus curatives ne datent que de la fin du 18ème siècle. Les Amérindiens utilisaient l’échinacée en usage externe lors de blessures, de brûlures, de piqûres d’insectes. Ils mastiquaient les racines lors de maux de dents et de gorge. En usage interne, elles servaient à lutter contre les douleurs, la toux et les refroidissements. La plante contient des polysaccharides, des composés phénoliques et des alkamides. Les polysaccharides et surtout les fractions lipophiles de l’extrait (les alkamides) sont considérés comme responsables de l’activité immunostimulante. Des activités antivirales et antibactériennes (contre les staphylocoques et les streptocoques) ont aussi pu être mises en évidence dans des tests in vitro. 

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît l’usage traditionnel des feuilles et fleurs d’Echinacea purpurea «dans le traitement des rhumes et des infections des voies respiratoires supérieures, du fait de leur action immunostimulante». Actuellement et notamment en Suisse allemande, des cultures d’échinacée ont été établies pour la production de phytomédicaments. Une récolte est possible après une année déjà.

Conseils pratiques

Pour la prise orale de préparations à base d’échinacée (gouttes, teintures-mères, tablettes), il faut suivre les indications figurant sur l’information destinée aux patients. Cette prise doit être limitée dans le temps. Il est recommandé de faire une cure d’une durée de 3 à 4 semaines. Après 2 semaines sans échinacée, on peut refaire des cures tout au long de la saison froide, si nécessaire. L’échinacée est contre-indiquée chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes et chez les personnes qui prennent des immunosuppresseurs. Elle est déconseillée chez les enfants de moins de 6 ans, même si des études indiquent que des enfants à partir de 4 ans pourraient la prendre. L’échinacée pourpre, aussi appelée rudbeckie rouge, 
 est devenue une plante ornementale très appréciée pour la
beauté de ses fleurs et la facilité à la cultiver. Elle devrait être présente dans chaque jardin.

Les plantes à vitamine C

Cette célèbre vitamine, aussi appelée acide ascorbique, a une longue histoire liée au scorbut. Il s’agit d’une maladie liée à une carence en vitamine C, bien connue autrefois des marins qui passaient de longs séjours sur la mer. A l’époque, on ne connaissait pas cette vitamine, mais pour survivre au scorbut, les marins devaient boire beaucoup de jus de citron. Ceux des pays scandinaves et de l’Allemagne recevaient de la capucine et parfois du raifort. Ce qui a été justifié scientifiquement par la suite étant donné que les parties aériennes de la capucine (feuilles, tiges et fleurs) contiennent entre 300 et 320 mg de vitamine C pour 100 g de matériel végétal frais. À titre de comparaison, 100 g de pulpe de citron contiennent environ 50 mg de vitamine C et 1 dl de jus de citron frais une quarantaine de mg. Il a fallu attendre 1914 pour qu’un laboratoire britannique établisse le lien entre une molécule (encore non identifiée) contenue dans certains fruits et légumes et le traitement du scorbut. Toutefois, ce n’est que vers 1930 que le scientifique hongrois Albert Szent-Györgyi (1893-1986) a isolé « l’acide hexuronique » qui était en fait l’acide ascorbique ou vitamine C à partir du poivron. Il a reçu en 1937 le prix Nobel de médecine pour, entre autres, avoir découvert cette vitamine importante. 

Les plantes à vitamine C sont nombreuses et la palme revient au camu-camu, un arbre de l’Amazonie péruvienne, dont les fruits frais peuvent contenir jusqu’à 2.5 g de vitamine C pour 100 g de fruits. Les fruits frais de l’acérola, plante du Brésil et des Antilles, en contiennent de l’ordre de 1.5 g à 2.0 g. On trouve sur le marché suisse et européen de nombreux compléments alimentaires à base de ces 2 plantes. Ils sont efficaces et généralement de bonne qualité. Mais, dans les pays d’origine, les récoltes sont destinées à l’exportation et les fruits deviennent difficilement accessibles à la population indigène. C’est la raison pour laquelle nous proposons de faire appel à nos plantes indigènes riches en vitamine C, en particulier à l’argousier, à l’églantier et au cassis. Les baies de l’argousier sont la meilleure source naturelle de vitamine C en Europe et peuvent contenir jusqu’à 1.5 g pour 100 g de fruits frais.

Argousier

L’argousier

L’argousier ou Hippophae rhamnoides L. (Elaeagnaceae), un arbuste épineux dioïque pouvant atteindre 3 m de hauteur. Les fruits jaune-orange sont de forme ovoïde. L’argousier pousse dans toute l’Europe, en Amérique du Nord et en Asie. La plante est très résistante et on la trouve aussi bien dans les sols arides et rocailleux des montagnes qu’en bord de mer dans le sable, d’où son nom allemand de Sanddorn et son nom anglais sea buckthorn. Les Grecs utilisaient les feuilles, les rameaux et les fruits comme fourrage pour les chevaux pour favoriser la prise de poids et lustrer leur pelage, d’où le nom hippophae de hippo (le cheval) et phaos (reluire). En raison de la présence de l’argousier dans des écrits anciens, on estime que son utilisation pour traiter diverses maladies remonte à l’Antiquité. En Grèce et dans diverses médecines traditionnelles célèbres, la baie d’argousier était utilisée pour ses propriétés tonifiantes. Les fruits acidulés de couleur orange sont comestibles et très nutritifs, exceptionnellement riches en vitamine C, dont la teneur moyenne est de l’ordre de 500 à 1500 mg / 100 g de fruits frais. Ce qui équivaut à environ 30 fois plus de vitamine C que dans l’orange et à environ 5 fois plus que dans le kiwi. Aucun fruit européen n’en contient autant que la baie d’argousier. On y trouve d’autres vitamines (A, B1, B2, E et K), des phytostérols, des flavonoïdes, des anthocyanes, des caroténoïdes (bêta-carotène et lycopène, notamment), des acides aminés, des minéraux et oligo-éléments essentiels au bon fonctionnement de l’organisme, comme le fer, le calcium, le cuivre, le phosphore et le magnésium. 

Conseils pratiques

La vitamine C est thermosensible et détruite en lors de la cuisson. Mais la congélation ne détruit pas les vitamines, ni les autres constituants actifs des fruits. En automne et pendant l’hiver, il est important de consommer les fruits d’argousier pour prévenir les refroidissements : prendre plusieurs fois par semaine, le matin, des baies décongelées avec du yoghourt, avec ou sans sucre. Les baies sont très acides et dans les campagnes roumaines, on les conserve fraîchement récoltées et nettoyées dans du miel qui reste liquide : placer les baies dans un bocal et les recouvrir entièrement de miel. Mettre le bocal dans un endroit frais (cave, par exemple) et le retourner de temps en temps. Pendant l’hiver, consommer 1 à 2 cuillères à soupe de ce délicieux mélange chaque matin. Dans le commerce spécialisé, on trouve les baies d’argousier sous forme de sirops, d’huiles, de gélules ou aussi des baies séchées ou congelées. Attention : on peut facilement se blesser en récoltants les baies car elles sont entourées d’épines acérées. L’argousier pousse très bien chez nous et ne demande pas de soins particuliers. Il faut juste se rappeler qu’il s’agit d’un arbuste dioïque :  il faudra donc planter un arbuste mâle et un arbuste femelle !

Aronia

L’aronia ou aronie à fruits noirs

Son nom scientifique est Aronia melanocarpa (Michx.) Elliot. Cette plante fait partie de la famille Rosaceae. Ses fleurs magnifiques ressemblent à celles du pommier, mais sont plus petites. D’où son nom allemand de schwarze Apfelbeere (en anglais : black chokeberry). Il s’agit d’un un arbuste touffu pouvant atteindre 2m de hauteur poussant dans les régions montagneuses des Etats-Unis et dans l’Est du Canada. Il a été introduit en Europe (Russie) vers 1900. Il est actuellement cultivé à grande échelle dans les pays de l’Est de l’Europe (Pologne, Slovaquie, Hongrie, Ukraine, Russie) et depuis peu en Allemagne et en Suisse où l’on a planté plus de 100 000 arbustes. Il existe aussi l’aronie à fruits rouges ou Aronia arbutifolia ( L.) Elliotqui est sans grand intérêt thérapeutique. Depuis quelques années, on cite beaucoup Aronia prunifolia qui est issu du croisement entre Aronia melanocarpa et Aronia arbutifolia. Cette variété hybride est propice à la culture car les fruits sont abondants et un peu plus gros que ceux de l’aronie à fruits noirs.

Les parties utilisées sont les fruits ronds, de la taille d’une baie de cassis (diamètre de 5 à 8 mm) qui sont arrangés en ombelles qui peuvent porter entre 10 et 15 baies de couleur noir intense. Les fruits sont légèrement sucrés et acides, mais leur goût n’est pas des plus agréables pour beaucoup de personnes à cause de l’astringence des tanins. Ils contiennent des graines minuscules qui n’entravent en rien leur consommation. Les colons européens ne découvrirent qu’au 19ème siècle cet arbuste en Amérique du Nord. Mais, les Amérindiens, bien avant l’arrivée des premiers Européens, utilisaient les fruits comme médicament pour mieux supporter les rigueurs de l’hiver. Ces fruits entraient aussi dans la composition de sauces pour accompagner les viandes. 

La teneur en polyphénols aux propriétés antioxydantes des baies d’aronia est très nettement supérieure à celles de tous les autres fruits. D’où l’intérêt de ces baies pour la prévention et le traitement de nombreuses maladies. Comme pour pratiquement tous les fruits colorés, ces polyphénols appartiennent à la classe des anthocyanes : on en trouve jusqu’à 1480 mg par 100 g de fruits frais. Les baies contiennent aussi des flavonoïdes, des tanins, les vitamines C (100 mg/100 g de fruits frais), B1, B2 et B6, des provitamines A, des fibres et des oligo-éléments. Des études ont montré que le jus d’aronia et les baies séchées induisent une diminution significative du taux de cholestérol LDL (mauvais cholestérol) chez les personnes souffrant d’hypercholestérolémie. Ils sont donc indiqués pour la prévention des maladies cardiovasculaires comme l’AVC et l’infarctus du myocarde, et aussi de certains cancers. 

Conseils pratiques

Les baies possèdent des propriétés immunostimulantes et peuvent être très utiles pour la prévention des pathologies hivernales… Ce que savaient déjà les Amérindiens ! Il est recommandé de boire régulièrement 1 dl de jus d’aronia par jour ou de croquer 15 à 20 baies séchées. Les fruits frais n’ont pas très bon goût et présentent de meilleures propriétés thérapeutiques après le séchage (à 40 degrés Celsius). Boire le jus frais le matin, mais pas à jeun. Cette utilisation n’est pas indiquée en cas de gastrite ou d’ulcères de l’estomac et du duodénum.

Retrouvez Prof. Kurt Hostettmann : 

Nous remercions vivement Prof. Kurt Hostettmann pour cet article !